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          Venir au monde noble ou bien manant, tel semble être l’enjeu de toute naissance. Pourtant, il ne suffit pas d’être fils de seigneur pour jouir de tous les privilèges accordés aux nobles : de nombreuses conditions et exigences régissent les liens et les rapports hiérarchiques entre les différents membres de cette caste. N’est pas noble qui veut, et, par-dessus tout, n’est pas haut personnage qui veut. Entre un roi et un petit seigneur de campagne fourmillent une multitude de rangs intermédiaires, tissant, au sein même de la classe dominante, une hiérarchie du pouvoir entremêlée et floue, aux nombreuses ramifications.

 

 

Le Titre et la Charge

 

        La noblesse du royaume s’organise, en premier lieu, autour de plusieurs grands titres qui furent confiés aux maisons les plus anciennes où aux personnages les plus remarquables. Les titres, à l'origine accordés par la royauté, devinrent peu à peu héréditaires, et sont à présent conservés par les mêmes familles nobles de génération en génération. Ces titres, loin de n’être que de simples distinctions honorifiques, octroient au seigneur qui les possède le droit d’administrer un domaine, d’y prélever l’impôt, d’y rendre la justice au nom de la couronne et de lever ses armées parmi les hommes valides sur lesquels il exerce son autorité. Un titre de noblesse équivaut donc à une charge, celle d’administrer une terre et ses occupants. Initialement, ces charges furent transmises par les rois d’Andalys en l’échange de la fidélité et de l’allégeance de leurs détenteurs : aujourd’hui encore, si un seigneur venait à manquer à ses engagements envers la couronne, ses possessions pourraient lui être confisquées, quand bien même elles aient été confiées à sa famille depuis plusieurs siècles. Certaines charges, plus prestigieuses que d’autres, confèrent une renommée et une autorité toute particulière à une famille : duc administrant des duchés, comtes dirigeant des comtés, margraves contrôlant des margraviats, ou encore les barons et leurs baronnies sont autant de distinctions envisageables. Parmi elles, la plus haute et la plus estimée est la Pairie : ses membres, appelés les Pairs du Royaume (1), appartiennent à cinq des familles les plus anciennes d’Andalys et occupent une place prépondérante dans la politique royale.

 

        D’autres charges, non héréditaires, permettent à la royauté de distinguer et de récompenser certains individus : il en va ainsi des hautes fonctions de gouvernement, lorsqu’un seigneur estimé est appelé à conseiller la couronne dans l’administration du royaume ou dans la conduite des armées. Les ministres appelés à siéger aux conseils royaux sont généralement des seigneurs proches de la royauté, des individus estimés pour leurs qualités ou leur puissance, ainsi que, naturellement, les différents Pairs du Royaume.

 

         Ces différentes tâches tissent les liens, parfois troubles, et les rapports, parfois tendus, entre les membres de la classe dominante : cette hiérarchie féodale, malgré son instabilité, est l’ossature sur laquelle repose tout un système d’organisation, avec pour premier maillon la distinction entre noble et non-noble. A la fois solide, par son ancienneté, et instable par la fragilité des alliances et des ententes, cette distribution complexe, enchevêtrée, des pouvoirs, cimente la société Andale - au même titre que la relation vassalique, entre suzerains et vassaux, ou encore la chevalerie et son statut tout à fait particulier. Toutes deux méritent d’être étudiées plus en détail…

 

 

(1) : Pour en savoir plus sur la Pairie, cliquez sur l’étoile *

Ecuyer et Chevalier

 

         Les hommes d’armes combattant à cheval, destinant leur vie à la bataille et aux arts de la guerre, portent le titre et exercent la fonction de chevalier. A l’origine, cette caste militaire particulière n’était pas seulement réservée aux personnes de haute naissance : elle regroupait également des hommes de basse extraction ayant pris les armes pour défendre le domaine de leur seigneur. Au départ simples soldats de château, c’est à mesure que les chevaliers recevaient des terres et des titres, en récompense pour leurs exploits et leurs services, qu’ils furent peu à peu assimilés à la noblesse. Ainsi, les termes « chevalier Â» et « noble Â» devinrent plus ou moins des synonymes au fil du temps. L’amalgame progressif entre le statut de noble et le statut de chevalier conduisit, naturellement, à réserver peu à peu l’éducation chevaleresque aux fils des nobles exclusivement : aujourd’hui, rares sont les écuyers de noble extraction capable de se frayer un chemin jusqu’à la noblesse, comme cela était possible autrefois au prix d'une lente formation.

 

           

 

         Nouvellement adoubés, les jeunes chevaliers (communément nommés paladins, à ce stade de leur carrière militaire) partent généralement à la recherche d’un seigneur à servir. En prêtant allégeance à un noble, le chevalier entre à son service et devient un membre de sa maisonnée, nourrit, logé et équipé aux frais de ce dernier. Ainsi, de nombreux chevaliers sans terre errent sur les routes de domaines en domaines, accompagnés de leurs propres écuyers. En dehors de périodes de guerre, ils vagabondent souvent de tournoi en tournoi, auxquels ils participent à la fois pour s’illustrer, laver leur honneur, remporter des récompenses ou entretenir leurs aptitudes guerrières.

 

      Certains rejoignent parfois des « ordres Â» de chevalerie, sortes de confréries réunissant plusieurs chevaliers sous un même nom, des valeurs et des devoirs communs. L’un des ordres les plus prestigieux est le corps des gardes royaux, attaché à la protection du roi ou de la reine d’Andalys en personne. Les valeurs dont ces différents ordres se veulent les représentants se résument souvent aux vertus militaires anciennes : en premier lieu, le courage et la vaillance, puis la prouesse, c’est-à-dire, les dispositions physiques, l’habileté au combat, et enfin les principales vertus morales : fidélité, honneur et justice.

 

 

    En effet, l’entrée dans l’ordre chevaleresque se fait à l’issue d’une longue éducation militaire au cours de laquelle les écuyers (futurs chevaliers) entrent au service d’un chevalier, lequel doit initier son disciple au maniement des armes et lui inculquer les différentes valeurs et codes qui régissent cet ordre. A la fin de son apprentissage, le jeune écuyer se voit remettre les armes (les différentes pièces de l’armure, et la plus importante, l’épée) au cours d’une cérémonie appelée adoubement.

 

           L'épée du futur chevalier est placée sur chacune de ses épaules avant d'être ceinte à sa taille. L’écuyer promet alors, sur son honneur, de se conformer toujours aux valeurs de la chevalerie. Lorsqu’il a prêté serment, il est invité à se relever en homme nouveau : d’écuyer il est devenu chevalier.

 

 

Vassal et Suzerain

 

     Les relations entre les nobles sont également régies par des liens de vassalité, qui fixent les devoirs que chaque seigneur doit remplir auprès d’un autre noble de rang supérieur. En effet, les grands barons d’Andalys, tels que les Pairs du Royaume, rassemblent autour d’eux d’autres seigneurs de qualité ou de rang moindre, auxquels ils accordent des terres et leur protection en l’échange de leurs services. Ces seigneurs, appelés vassaux, prêtent serment d’assistance et de fidélité à leur suzerain et reçoivent, en contrepartie, une seigneurie à diriger : le fief. Cette terre leur est transmise lors d’une cérémonie codifiée, assez similaire au rituel de l’adoubement, appelée « hommage Â» : le vassal s’agenouille devant son seigneur et joint les mains pour jurer fidélité Ã  son seigneur. A l’issue de son serment, le suzerain relève son vassal, prenant ses mains dans les siennes en signe d’amitié et de protection. Chez certains seigneurs, ce rituel s’accompagne également de l’échange d’un objet symbolique tel qu’une coupe ou un bâton, dont la forme ou l’utilisation renvoient à l’idée du pouvoir.

 

      Les fiefs confiés à un vassal sont transmissibles à ses héritiers, aussi certaines familles nobles sont-elles les vassales de la même Maison depuis de nombreuses générations. Par ailleurs, à chaque fois qu’un vassal lègue son fief à son héritier, ce dernier est convoqué par son suzerain afin de lui rendre hommage à son tour et obtenir ainsi le droit d’hériter de cette terre. A chaque succession se rejoue donc ce rituel de l’hommage, pour rappeler que malgré les générations de vassaux qui se succèdent, la terre sur laquelle règne une famille de seigneurs leur a été octroyée par leur suzerain (et peut donc être reprise, en cas de manquement à leurs devoirs). En effet, les vassaux doivent assistance et obéissance à leur suzerain en le conseillant aini qu'en lui fournissant une aide financière et militaire. Par exemple, lorsqu’un suzerain marie sa fille aînée ou adoube l’un de ses fils, il est d’usage pour les vassaux de participer aux frais de la cérémonie et d'y assister. De même, en temps de guerre, un seigneur peut lever le ban, c’est-à-dire, convoquer l’ensemble de ses vassaux et leurs armées respectives pour les conduire sous sa bannière.

 

      Ces rapports de vassalité semblent constituer, au premier abord, un système hiérarchique clair et précis, mais en apparence seulement. En effet, certains vassaux peuvent posséder plusieurs fiefs, lui ayant été respectivement confiés par des suzerains différents. Ces seigneurs sont donc les vassaux de plusieurs suzerains en même temps, parfois même sont-ils alliés à des suzerains ennemis. Ainsi existe-t-il aussi une hiérarchie parmi les liens vassaliques, distinguant les liens plus forts ou les plus importants (l’hommage-lige) des liens plus flous et plus éloignés (l’hommage simple). Chaque noble, s’il peut être lié à plusieurs seigneurs à la fois, dispose donc d’un suzerain principal dont il est « l’homme-lige Â», c’est-à-dire, envers lequel ses devoirs sont plus importants et priment sur tous les autres. A Andalys, chaque noble est donc avant tout l’homme-lige de la royauté et est ainsi appelé à la défendre et à lui obéir en toutes circonstances.

 

 

Quoi qu'on fasse d'illustre et de considérable,

Jamais à son sujet un roi n'est redevable.

 

[Corneille, Le Cid]

 

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